Surveillance des incidents et accidents liés au retraitement des dispositifs médicaux au Québec : Résultats 2021-2022

Faits saillants

  • En 2021-22, un total de 2 582 événements indésirables liés au retraitement des dispositifs médicaux (RDM) fut rapporté au Québec.
  • Il s’agit d’une légère augmentation par rapport à l’année 2020-21 (n = 2 402), mais le total reste comparativement inférieur à ceux des années précédant la pandémie de la COVID-19.
  • Parmi les événements rapportés :
    • 2 365 (92 %) étaient des incidents et 217 (8 %) des accidents;
    • 2 accidents ont impliqué plus d’un usager (de 4 et 10 usagers).
  • Comme pour les années précédentes, des lacunes au niveau de trois étapes de la chaîne de retraitement ont été à l’origine de la majorité des événements indésirables rapportés :
    • 31 % (n = 806) des incidents et accidents sont associés à des lacunes au niveau de l’assemblage;
    • 28 % (n = 729) des incidents et accidents sont associés à des lacunes au niveau de l’emballage;
    • 40 % (n = 88) des accidents sont associés au recours à la stérilisation rapide. Cette proportion est en augmentation, dû à un recours plus important à ce procédé de stérilisation.
  • La distraction, le manque de personnel et le manque de ressources qualifiées étaient les facteurs les plus souvent rapportés pour expliquer la survenue de près de 60 % de l’ensemble des événements.
  • Enfin, la sous-déclaration des événements indésirables liés au RDM demeure un enjeu important.

Entre le 1er avril 2021 et le 31 mars 2022, 2 867 déclarations en lien avec le RDM ont été complétés (par le biais du formulaire AH-223-1 avec section 4-D cochée). De ce nombre, 285 (10 %) n’ont pas fait l’objet d’une analyse détaillée RARDM (par le biais du formulaire AH-223-2-RDM) (Figure 1). Cette proportion a varié de 0 à 100 % selon l’établissement (données non présentées). En plus, près de 900 analyses détaillées initiées sans être complétées ne sont donc pas comptabilisées dans le Registre national.

En date du 17 juin 2022, 2 608 analyses détaillées RARDM ont été complétées. Parmi celles-ci, 26 événements non liés au RDM (plutôt associés à des erreurs de manipulation par le personnel infirmier) ont été exclus des analyses. Les résultats présentés dans ce bulletin portent ainsi sur un total de 2 582 événements indésirables liés au RDM.

Le nombre d’événements indésirables déclarés en 2021-22 a légèrement augmenté par rapport à 2020-21 (année la plus touchée par la pandémie de la COVID-19). Toutefois, le taux (nombre d’événements par rapport au nombre de chirurgies annuelles) a continué de baisser, et ce malgré une reprise des activités régulières aux blocs opératoires (Figure 1). La charge de travail élevée, le manque de personnel et le roulement des gestionnaires en RDM ont probablement contribué de façon importante à la sous-déclaration des événements indésirables au cours de cette année.

Figure 1 - Nombre et taux d’incidents et accidents liés au RDM au Québec, 2018-2019 à 2021-2022

 

Source : Système d’information sur la sécurité des soins et des services (SISSS), données extraites le 17 juin 2022.

Parmi les événements rapportés :

  • 92 % étaient des incidents de gravité A ou B (Figure 2),
  • 8 % étaient des accidents sans conséquences sur les usagers de gravité C ou D, et un accident de gravité E1 qui a impliqué un risque d’infection avec prolongation de la prise d’antibiotique.

Figure 2 - Nombre d’incidents et accidents liés au RDM selon l’échelle de gravité, Québec, 2021-2022

 

Source : Système d’information sur la sécurité des soins et des services (SISSS), données extraites le 17 juin 2022.

Le nombre d’événements indésirables a fluctué d’un mois à l’autre avec un léger pic observé au cours des mois de novembre et décembre 2021 (Figure 3). La baisse observée en janvier et février 2022 coïncide avec le retour du délestage en fin de décembre 2021, suite à la montée des hospitalisations dues à la COVID-19.

Figure 3 - Nombre d’incidents et accidents liés au RDM selon le mois de la survenue de l’événement, Québec, 2021-2022

 

Source : Système d’information sur la sécurité des soins et des services (SISSS), données extraites le 17 juin 2022.

Le nombre d’événements indésirables rapportés a fluctué d’un établissement à l’autre (Tableau 1). Ces fluctuations dépendent du volume d’activité de chaque établissement, mais aussi de leur implication dans la déclaration et l’analyse de ces événements. D’ailleurs, six établissements, dont trois n’ayant pas de répondant d’établissement, n’ont rapporté aucun événement indésirable. Les efforts doivent se poursuivre pour promouvoir le signalement de ces événements dans une perspective d’amélioration continue.

Par rapport au nombre de chirurgies effectuées dans chaque établissement, l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec, suivi par le CISSS du Bas-Saint-Laurent et CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal ont affiché les taux d’événements indésirables les plus élevés avec respectivement, 66; 29 et 22/1 000 chirurgies (Tableau 1). Toutefois, il faut interpréter ces taux avec prudence, compte tenu du faible nombre d’événements survenus dans certains établissements, mais aussi de la sous-déclaration présumée dans plusieurs milieux.

Au total, 219 accidents ont été rapportés, représentant en moyenne 8 % de l’ensemble des événements indésirables. Cette proportion a légèrement baissé en comparaison aux années précédentes (où les accidents représentaient en moyenne 11 % de l’ensemble des événements), et pourrait être le reflet d’une sous-déclaration plus importante d’accidents dans certains établissements qui n’ont rapporté aucun ou très peu d’accidents au cours de cette année (Tableau 1). Cette baisse pourrait aussi être le résultat des efforts entrepris par les établissements pour limiter la survenue d’accidents pouvant avoir des conséquences sur les usagers.

Tableau 1 - Nombre et taux d’incidents et accidents liés au RDM par établissement, 2021-2022

RSS Établissement Incident (I) Accident (A) Total (I + A)
    Nombre Nombre Nombre Taux/1000 chirurgies
01 CISSS du Bas-Saint-Laurent 252 10 262 29,50
02 CIUSSS du Saguenay–Lac-Saint-Jean 4 0 4 0,24
03 CIUSSS de la Capitale-Nationale 10 5 15 17,65
03 Centre hospitalier universitaire de Québec - Université Laval 678 31 718 17,36
03 Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec 102 1 103 66,20
04 CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec 253 2 255 10,49
05 CIUSSS de l’Estrie 44 18 62 2,45
06-1 CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal 0 0 0 0,00
06-2 CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal 5 1 6 0,58
06-3 CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal 189 5 194 22,18
06-4 CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal 22 10 32 2,36
06-5 CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal 10 13 23 0,90
06 Centre hospitalier de l’Université de Montréal  59 20 79 3,69
06 Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine 71 9 80 7,95
06 Centre universitaire de santé McGill  277 0 277 11,73
06 Institut Philippe-Pinel de Montréal* 0 0 0 -
06 Institut de cardiologie de Montréal 14 1 15 75,76**
07 CISSS de l’Outaouais 2 0 2 0,18
08 CISSS de l’Abitibi-Témiscamingue 10 9 19 2,15
09 CISSS de la Côte-Nord 2 8 10 2,55
09 CLSC Naskapi (Côte-Nord)* 0 0 0 -
10 CRSSS de la Baie-James 4 0 4 9,85
11-1 CISSS de la Gaspésie 0 1 1 0,22
11-2 CISSS des Îles 3 2 5 7,96
12 CISSS de Chaudière-Appalaches 19 32 51 2,36
13 CISSS de Laval 5 2 8 0,51
14 CISSS de Lanaudière 8 1 6 0,50
15 CISSS des Laurentides 84 22 106 5,05
16-1 CISSS de la Montérégie-Centre 41 8 49 2,74
16-2 CISSS de la Montérégie-Est 54 7 61 3,14
16-3 CISSS de la Montérégie-Ouest 134 2 136 14,53
17 Centre de santé Innuulitsivik (Baie d’Hudson) 0 0 0 0,00
17 Centre de santé Tulattavik (Baie d’Ungava)* 0 0 0 -
18 Conseil Cri de la santé et des services sociaux de la Baie-James 0 0 0 0,00

* Établissements sans répondants en RDM. ** Taux élevé à cause du faible nombre de chirurgies (n=198).
  Source : Système d’information sur la sécurité des soins et des services (SISSS), données extraites le 17 juin 2022.


Cause principale

La cause principale est celle directement impliquée dans la survenue de l’événement indésirable. Comme à chaque année, des bris au niveau des étapes d’emballage et d’assemblage ont été à l’origine de la majorité des événements rapportés. Plus précisément, en cas d’incidents, la non-conformité au niveau de l’assemblage du plateau, l’absence d’indicateur chimique interne, la non-conformité au niveau de l’étape de nettoyage et un problème d’intégrité du DM étaient à l’origine de 1 509 incidents (64 %) (Figure 4a). Pour ce qui est des accidents, 88 accidents (40 %) étaient dus au recours à la stérilisation rapide (Figure 4b). La proportion d’accidents dus à l’utilisation de ce procédé de stérilisation n’a cessé d’augmenter au fil du temps, passant de 19 % en 2016-17 à 40 % en 2021-22 (Figure 5) et touche de plus en plus d’établissements. En effet, malgré la réduction de ces événements dans l’établissement le plus affecté par cette pratique suite à un achat massif de DM, le nombre d’accidents dus à la stérilisation rapide continue d’augmenter dans d’autres établissements (données non présentées).

Figure 4a - Nombre d’incidents selon la cause principale, Québec, 2021-2022

 

*Problème de contrôle biologique, chimique, mécanique ou physique à l’étape de stérilisation.

Figure 4b - Nombre d’accidents selon la cause principale, Québec, 2021-2022

 

Source : Système d’information sur la sécurité des soins et des services (SISSS), données extraites le 17 juin 2022.

Figure 5 - Nombre et proportion1 d’accidents dus à la stérilisation rapide, 2016-2017 à 2021-2022

 

1la proportion est le nombre d’accidents dus au recours à la stérilisation rapide par rapport au nombre total d’accidents.
Source : Système d’information sur la sécurité des soins et des services (SISSS), données extraites le 17 juin 2022.

Causes associées à la survenue des incidents et accidents liés au RDM

Les causes associées réfèrent aux facteurs à l’origine de la cause principale des événements indésirables, qu’on peut aussi appeler causes initiales ou causes profondes. Elles peuvent découler de l’organisation du travail, des facteurs humains ou de lacunes liées à l’environnement. Il s’agit des causes concomitantes à l’événement indésirable.

En 2021-22, des causes associées ont été rapportées dans plus de 87 % des événements, alors qu’elles étaient inconnues pour 13 % des événements. Comme pour les années précédentes, la distraction du personnel était le facteur le plus rapporté, responsable de 34 % des événements (Figure 6). Or, la distraction du personnel n’est pas en soi une cause, mais plutôt une conséquence d’autres facteurs tels que la surcharge du travail ou des lacunes de procédures. Il est essentiel d’identifier les facteurs à l’origine de cette distraction et de mettre en place des actions afin de réduire l’occurrence de ces incidents.

Deux autres facteurs se sont démarqués par leur fréquence, soit le manque de personnel et/ou le manque de ressources qualifiées qui ont été associés à près de 24 % des événements (par comparaison à seulement 4 % et 6 % en 2020-21 et 2019-20 respectivement) (Figure 6). Alors que 12 % des événements ont été associés à des lacunes de procédures, de politiques et de protocoles.

En cas d’accident, la non disponibilité de DM était responsable de 47 % de l’ensemble des événements, et de 58 % d’accidents dus spécifiquement au recours à la stérilisation rapide. Les efforts pour assurer un meilleur équilibre entre le volume chirurgical et la disponibilité de DM devraient être poursuivis pour limiter la survenue de ces événements.

Figure 6 - Nombre d’incidents et d'accidents liés au RDM selon les causes associées, Québec, 2021-2022

 

Source : Système d’information sur la sécurité des soins et des services (SISSS), données extraites le 17 juin 2022.

Conséquences sur les usagers

En 2021-22, un accident de gravité E1 a été rapporté et a impliqué un risque d’infection avec prolongation de prise d’antibiotique. Les autres accidents rapportés étaient de gravité C ou D, n’impliquant pas de conséquences sur les usagers.

Conséquences sur l’établissement

Une bonne proportion des événements indésirables (17 %) ont eu un impact sur l’établissement, en particulier d’ordre financier, incluant principalement la diminution de la productivité et la perte de temps opératoire (Figure 7a). Une plainte a été déposée par un usager suite à un accident qui lui a impliqué des examens et tests supplémentaires. La démotivation des employés et dans certains cas, l’absentéisme ont également été rapportés (Figure 7b).

Figure 7a - Impact des incidents et accidents sur l’établissement, Québec, 2021-2022

 

Figure 7b - Impact des incidents et accidents sur le personnel, Québec, 2021-2022

 

Source : Système d’information sur la sécurité des soins et des services (SISSS), données extraites le 17 juin 2022.

Près de 85 % des événements indésirables rapportés ont conduit les établissements à envisager différentes mesures préventives. La formation du personnel demeure la principale mesure rapportée (43 %), suivie par le suivi auprès du personnel impliqué dans l’événement (27 %) et l’affectation de personnel qualifié (20 %) (Figure 8). Ces mesures ont varié en fonction de la lacune à l’origine des événements, mais n’étaient pas toujours en cohérence avec la lacune identifiée.

Ainsi, en cas d’événements associés à la distraction des employés, le suivi auprès du personnel responsable de l’événement a été envisagé dans plus de la moitié des cas (53 %), alors que dans 33 % des cas, aucune mesure n’a été proposée. En cas d’événements associés au manque de personnel ou de ressources qualifiées, l’affectation de personnel qualifié et/ou la formation du personnel ont été proposées dans plus de 75 % des cas. Alors qu’en cas d’événements associés à des lacunes de procédures, de politiques ou de protocoles, la mise à jour de celles-ci n’a été proposée que dans 9 % de ces événements. De même qu’en cas d’accident dû au recours à la stérilisation rapide, l’achat de nouveaux instruments n’a été considéré que dans 51 % des cas (données non présentées). Dans ce contexte, il est essentiel que les établissements priorisent la mise en place de solutions spécifiques aux lacunes les plus fréquentes dans leurs plans d’action afin de réduire l’occurrence de ces événements et d’assurer une prestation de soins de qualité.

Toutefois, bien que les établissements soient tenus de mettre en place des plans d’action pour prévenir la récidive de leurs événements indésirables les plus fréquents, les informations rapportées au RARDM ne permettent pas de confirmer si ces mesures ont été appliquées ou non sur le terrain. Ainsi, il est difficile de connaitre l’impact de ces mesures sur l’évolution du nombre des événements indésirables.

Figure 8 - Principales mesures préventives rapportées en cas d’incidents et d’accidents, Québec, 2021-2022

 

Source : Système d’information sur la sécurité des soins et des services (SISSS), données extraites le 17 juin 2022.

Le faible nombre d’événements indésirables rapportés en 2021-22 est probablement dû à une sous-déclaration des événements plus importante au cours de cette année, associé entre autres, à la charge élevée de travail, au manque de personnel qualifié, au roulement des gestionnaires et au manque d’expertise du nouveau personnel.

Pour réduire cette sous-déclaration, les efforts doivent se poursuivre pour favoriser le signalement des événements indésirables, notamment par :

  • la disponibilité de ressources qualifiées et suffisantes pour maintenir une analyse adéquate en RDM;
  • la formation continue aux nouveaux personnels et gestionnaires en RDM;
  • l’amélioration en cours du formulaire d’analyse détaillée RARDM, avec une version plus simple et plus précise;
  • la rétroaction régulière auprès des établissements.

Le recours à la stérilisation rapide constitue toujours un problème majeur responsable d’une bonne proportion des accidents qui surviennent à chaque année. Cette proportion ne cesse d’augmenter au fil du temps et touche de plus en plus d’établissements. Le manque de DM retraités demeure en effet déterminant dans la survenue de ces accidents. Pour limiter le recours à ce procédé de stérilisation, il serait essentiel d’assurer un équilibre entre le volume chirurgical et la disponibilité de DM.

Auteurs

Comité du Centre d’expertise en retraitement des dispositifs médicaux (CERDM)
Najwa Ouhoummane, Ph. D., conseillère scientifique spécialisée
Valérie Cortin, ing. Ph. D., conseillère scientifique spécialisée et coordonnatrice du CERDM
Andrée Pelletier, B. Sc. inf., conseillère scientifique
Caroline Bernier, B. Sc. inf., conseillère scientifique
Direction des risques biologiques

Remerciements

Nous remercions les répondants d’établissements en retraitement des dispositifs médicaux et les gestionnaires de risques pour leur collaboration aux rapports d’analyse des incidents et accidents en retraitement des dispositifs médicaux (RARDM), Mme Jacynthe Blouin du MSSS, Mme Manon Tanguay, pilote du système d’information sur la sécurité des soins et services, ainsi que Mr Karl Forest-Bérard de l’INSPQ.

Pour citer ces données :

Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) 2023. Centre d’expertise en retraitement des dispositifs médicaux (CERDM). Surveillance des incidents et accidents liés au retraitement des dispositifs médicaux au Québec : résultats 2021-2022. Disponible à : https://www.inspq.qc.ca/retraitement-des-dispositifs-medicaux/surveilla….

Pour accéder aux versions antérieurs :

 

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Note(s)

Date de production du document : Février 2023

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